ATELIER

Du

18 novembre 2005

 

REVE

ET

IDENTITE

 

 

 

Si j'étais un courant d'air, je ne voudrais pas être un de ces vents que l'homme ne peut produire qu'avec mauvais effet et plus ou moins d'aisance. Ni soupir de soulagement, d'allégeance ou de résignation, ni exhalaison morose ou enjouée, ni rot d'expiation ou renvoi de commodité, encore moins une de ces bulles détachées du fondement qui ne répond d'aucune manière qu'au seul impératif de décoincer le propriétaire du dit soubassement.

Si j'étais onde aérienne, je volerais au secours des exilés pour chanter à leurs oreilles déconcertées le refrain plein de nostalgie des berceuse de leur pays, je me répandrais de la plus mélodieuse façon entre les groupes d'amis, je ferais vibrer les gosiers d'une émotion contagieuse à souhait, je mettrais fin au doute, j'organiserais la survie, le recours, à l'espoir de tous les incompris.

Je deviendrais ode élogieuse, ritournelle sacrée, sonnets susurrés pour rosir les joues des amoureux transis. J'embellirais la vie en laissant respirer un souffle de liberté, de fantaisie, de facétie qui aiguiserait l'appétit et donnerait envie de croire à la joie du partage.

Au lieu de quoi, ne n'ai été émis que pour propager l'effroi d'une loi erronée, éructant de violents sarcasmes, abolissant le sens de la plus élémentaire justice.

Pascale

Si j'étais le rire, j'en aurais vécu des vies à partager trop de choses avec trop de gens dans mille endroits à la fois. Aussi bien en des lieux reculés que parmi la foule bruyante.

J'aurais partagé le fou rire isolé de la clarisse dans sa cellule qui pense déjà à son péché en portant les mains à ses lèvres pour l'étouffer.... ou bien j'aurais fui les propos graveleux et les rires gras des pirates attablés dans cette taverne mal famée.
Je pourrais voyager, de l'un à l'autre, changer les hommes,leur rendre l'espoir, leur donner ce petit tel qui leur ferait apprécier la vie.

J'irais trouver les amis du Petit Prince, occupés à ramoner leur planète où à compter les étoiles pour les faire rire à gorges déployées.

Je repense à ce PDG important , qui n'a plus jamais eu le temps de rire depuis tout petit et qui a dû réapprendre à faire fonctionner ses zygomatiques chez le kiné « C'est sérieux la vie, mon fils ! » lui a dit un jour son père &endash; il avait 7 ans-
Dommage, que cet hommage !

Et j'aurais toute ma vie volé en éclats et me serais prise pour un dieu créateur de bonheur entre la poire et le fromage.

Jacqueline

 

Si j'étais une pièce d'habitation, je ne voudrais pas être un couloir étroit et sombre, labyrinthe éclairé par une ampoule blafarde. Encore moins un cagibi ou l'on oublie.

J'accepterais encore d'être un recoin, refuge. Un lieu de répit, où l'on s'arrête, où l'on guette, juste le temps de respirer.

Je ne voudrais pas être non plus une chambre aux lourdes tapisseries de Jouy. Je la préférerais non pas vaste &endash; ne pas chercher à paraître - mais penser qu'ici mes murs silencieux laisseraient entendre les premiers cris du nouveau-né.

Je voudrais surtout être cuisine dont la porte principale s'ouvrirait sur un potager où les effluves printanières viendraient se mêler au gigot de mouton haricots mange-tout.
Je ne serais jamais au calme, embrassant les bébés gazouilleurs et gargouilleurs, caressant les vieillards chauves et chaulés, enveloppant les amoureux beaux et béats. J'entendrais le cliquetis des fourchettes, les conversations dominicales et les cris des enfants les jours de pluie.

Et j'aurai été toute ma vie un chantier permanent, un loft inachevé aux cloisons descendues et jamais remontées.Des ouvertures sans fenêtres,un espace où le vent aime à s'engouffrer.