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Atelier, Un lieu
en noir et blanc autour du poème de Jean
Tardieu
Les chants perdus,
dans L'accent grave, l'accent aigu
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JE
ME SUIS INSTALLE
Je
me suis installé
pour y mourir
dans une image.
Une
chambre étroite
et sa fenêtre
protégée
par de vieux chênes-lièges.
Le
chemin les cailloux les romarins
dévalent entre les rochers
jusqu'à la forêt
redevenue sauvage
que termine l'altesse
d'un pin parasol
aux deux couleurs :
vert obscur pour amasser l'ombre
vert clair pour saluer le matin.
Quand
je me penche
je vois à droite
sept rangs de collines violettes
et au bout de mon regard
des îles grecques
allongées, heureuses
sur une coupe brillante
qui n'en finit pas de s'éteindre
depuis que l'homme se débat
dans ses pensées.
Je
ne veux pas m'en aller
Je ne partirai jamais
Jean
TARDIEU
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Je
me suis installé pour y mourir dans une image.
Depuis
les première frises de vagues se disputant
l'espace infini des berges je ramassais pour le plaisir
uniquement une collection de coquillages. Je pouvais
rester longtemps, grisé par le vent fou à
observer la plage et j'allais certainement par cette
exploration trouver un endroit vierge où personne
jamais n'irait me découvrir.
Quand
je m'abandonnais ainsi à la contemplation, je
revoyais passer le film des jours enfuis et mes souvenirs
s'arrêtaient au jour des funérailles depuis
que j'ai suivi ce cheval noir sur le sable blanc
conduisant mes parents à leur nouveau bercail. Mes
larmes me brûlaient et l'eau salée des
embruns ne m'adoucissaient pas.
Les
coquillages alors me semblaient un trésor que je
ne saurais défendre de tout envahisseur. Ils me
parleraient de la mer et des ses fonds rocheux
précurseurs de la terre et je leur accordais un
pouvoir magique ; grâce à eux j'entendais le
chant des sirènes, et je me laissais guider,
envoûté, sur la grève, ébloui
des reflets du soleil miroité. J'entrais
dévêtu dans un monde mirage, j'oubliais tout
ce à quoi avait pu ressembler mon existence jusque
là, je devenais fluide, inconsistant, intemporel,
je marchais, marchais à perte de vue et je
devenais plus léger qu'une plume. Je voletais
à droite, à gauche, mes coquillages
brillaient sur le sol; je comprenais qu'ils ne me
serviraient plus, que seul la qualité de l'air et
sa luminosité importaient ; je voyageais,
trimbalé dans les effluves de marées et
j'oubliais qui j'étais ; à cet instant
précis, je stoppais le temps et je me dissolvais
complètement, rien ne me ferait revenir en
arrière.
De
cette absence de matière , je ne voulais pas
m'en aller, je ne partirai jamais.
Pascale
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Je
me suis installée dans une maternité
pour accoucher.
Je
me retrouve soudain entourée d'une multitude
d'appareils médicaux, de personnel en blouse
blanche, reflet d'une société moderne et
aseptisée : Limiter tous les risques, ne pas
courir le moindre danger... Pas toujours rassurant
à entendre, toutes ces paroles rationnelles et
médicalisées. Alors, je ne peux
m'empêcher de penser à toutes celles qui
enfantent dans le monde, sans matériel ni aide, et
je ne me sens en communion avec elles. Je fais
disparaître la barrière du temps et je
franchis les époques, remontant ainsi aux origines
de l'homme ....
Mon
esprit évoque alors ces femmes de
sociétés primitives qui ne pouvaient se
fier qu'à leur instinct, qui donnaient la vie en
risquant chaque fois de perdre la leur. Et j'oublie un
instant cette pièce sans âme de
l'hôpital où je me trouve.
Puis la réalité me rattrape et je sens un
appel puissant dans tout mon être. J'écoute
la danse de mon ventre, son rythme lent ou
saccadé, les ondulations à la surface de ma
peau. Je pense à ce petit être bercé
par le liquide amniotique, qui se prépare pour un
long voyage vers l'inconnu..... Quelle aventure,
quel (s) voyage(s) ! l'attendent au dehors de ce
monde chaud et protégé qu'il a connu
jusqu'à présent ? ...
Puis
le rythme de mon corps s'accélère, la danse
de mon ventre laisse place à un guerrier ardent,
partant à l'assaut de mes dernières
résistances. Je ne contrôle plus rien
lorsque la vie jaillit si puissante ! Mais il me semble
que cet instant magique inonde de bonheur la terre et
l'univers et que je rejoins toutes les femmes du monde
à travers ce geste ancestral.
Et
pour cette vie à accueillir, je ne veux pas
m'en aller, je ne partirai jamais !
Fabienne
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Je me suis installé pour y mourir
dans une image de carte postale
sur le Grand Tourniquet de l'existence.
Au hasard de mes pichenettes
défilaient des paysages maritimes :
Coucher de soleil sur l'océan
et plages de sable blond,
Naïades à Malibu,
Vahinés à Tahiti.
Tout ça j'ai déjà vu.
Un coup de doigt au présentoir,
J'ai l'impression de ne rien voir.
Ni les dunes de Malibu,
Ni les palmiers de Tahiti.
Ah si, tiens ! Les ajoncs souples de Saint - Palais,
Les rochers drus des Marseillais
dans les calanques &endash; je les ai vu.
Encore un tour de présentoir
pour voir s'il y a encore des choses à voir :
Rien que de horizons marins,
de l'outre mer et des haubans
rien que du blanc, du bleu, du blond
et pas la moindre chanson,
même pas de Marcel Amont.
« Tourne, tourne Tourniquet »
Quelques palmiers je voudrais,
des embruns, de l'air iodé,
et pourquoi pas
un parfum d'ambre solaire.
Il faut donc que je m'épanche
auprès du grand chef à Barbe Blanche.
« Tourne, tourne Tourniquet »
Je ne veux plus m'en aller
Je ne partirai jamais.
Jean Pierre
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Je
me suis installée pour y mourir dans une
image.
Elle
a le parfum de l'automne. Non pas celui des
chrysanthèmes, mais celui des corps humides des
vendangeurs, de ces gens de la terre qui mettent en
réserves les fruits matures.
Une
femme adossée au tronc d'un noyer &endash;
branches au lichen jaune. A ses pieds, des noix dans leur
gangues vertes éclatent, mouillées. Elle
regarde glisser le torrent : il hésite parfois et
détourne la motte de terre, chevauche les
audacieux rochers, enveloppe les mousses, s'écrase
en gerbes cristallines mais jamais ne renonce.L'eau
passe, trop vite, s'échappe, jamais ne
trépasse.
La
femme contemple le profond sillon, cette fosse
d'orchestre où l'on joue sa vie. Les gouttelettes
d'eau collent aux herbes pas encore fanées,notes
de chapelet qu'on égrène. L'opéra
n'est pas encore funèbre.
On
a allumé un feu pour brûler les serments de
vigne. Il crépite et se perd. Danse infernale des
flammèches. Il est temps d'oublier. Sous
l'arbre-refuge il va falloir rendre des comptes. Il ne
pourra même pas témoigner pour Hier , encore
moins pour Demain. Loin de la forêt, superbe, il
modulera, les frémissements de la brise en
chantant les mots déjà
oubliés.
Je
ne veux pas m'en aller. Je ne partirai
jamais.
Catherine
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